Connaisssez vous la fée Mélusine ? Lorsque j’étais enfant mon grand père me racontait l’histoire de la fée et de sa bague aux yeux de chat. Mélusine laissait tomber sa bague, dans une prairie où une minuscule princesse la trouverait, ou bien dans une galère juste à côté du valeureux chevalier fait prisonnier. Et à la fin de l’histoire, au moment décisif, la bague brillait soudain d’un éclat surnaturel et le miracle se produisait : les larmes d’amour de son père rendaient à la princesse sa taille normale, la tapisserie de la dame qui attendait son chevalier s’animait et ramenait le croisé au château.
De nos jours les enfants connaissent d’autres sortes de fées, mais Mélusine, Viviane et les autres fées qui vivaient à Brocéliande du temps de Merlin sont tombées en désuétude. C’est sur le chemin de l’école que Manon trouva cette étrange bague, un peu noircie, mais très travaillée, sertie d’un morceau de verre vert. Comme elle lui faisait penser aux images de Games of Throne que son grand frère lui montrait, elle décida de la garder pour lui montrer le soir. Elle la mit dans sa poche et l’oublia presque aussitôt. La journée se déroula comme d’habitude, entre les heures à écouter la maîtresse en révassant et les jeux dans la cour de récréation. Le soir, après ses devoirs, elle avait le droit de jouer avec la tablette. Ce soir là, elle décida de se promener dans le jardin en prenant des photos, qu’elle retoucherait ensuite pour en rire avec ses amies. Elle était en train de photographier une fleur lorsqu’elle l’aperçut. Un petit être étrange, pas plus grand que la marguerite sur laquelle il prenait appui, très mince, vêtu d’une sorte de collant et d’un justaucorps orange rayé de jaune. Il semblait prendre la pose. Manon crut d’abord qu’il s’agissait d’un jeu qu’elle avait du lancer sur la tablette sans faire exprès, comme Pokémon Go avec lequel son frère avait joué tout un été avant de l’abandonner. Mais non, lorsqu’elle le regardait directement, sans la tablette, il était toujours là. Incroyable, c’était comme dans « Arthur et les minimoys». Elle se pencha et lui dit poliment
« Bonjour. Vous existez vraiment ? »
« Bonjour. Et vous ? Vous existez vraiment ? » et il éclata de rire. Son rire était léger et cristallin comme une petite clochette.
Manon fut très surprise par cette réponse. Est-ce qu’il se moquait d’elle ? Elle se sentait un peu vexée, mais le rire de la petite créature était si communicatif qu’elle finit par sourire puis rire avec lui.
« Je m’appelle Manon, j’ai 9 ans. Je n’ai jamais vu quelqu’un comme vous. »
Il s’inclina profondément et répondit « Je m’appelle Boncrat, j’ai 999 ans. Je suis perdu ici, j’ai du tomber dans un trou temporel. Je me promenais dans la forêt, ce satané trou devait être recouvert de feuilles mortes et je ne l’ai pas vu. En quelle année sommes nous ? »
« Nous sommes en 2017.»
« En 2017 ? Sacrebleu, ce n’était pas un petit trou. Bon, puisque je suis là, est-ce que je peux faire quelque chose pour toi ? »
« Quelque chose pour moi ? Est ce que tu es comme le génie de la lampe ? J’ai droit à trois vœux ? »
« Le génie de la lampe ? Ah tu veux dire comme celui de Saladin, euh non … comment s’appelle t il déjà ? Aladan ? … non Aladin c’est ça Aladin » En parlant, il faisait les cents pas et gesticulait comme un pantin, Manon ne pouvait s’empêcher de rire.
»Non jeune dame, je ne suis pas comme ton génie, je serais plutôt comme un djinn, je suis un lutin des forêts. Je suis de la famille des lutins qui faisaient tout le travail pour le petit cordonnier. Tu en as entendu parler je suppose. »
« Euh non » répondit Manon confuse. « Ils sont célèbres ? »
« Mais enfin, je sais que des contes ont été écrits sur eux. On ne vous raconte plus de contes en 2017 ? ».
« Si, si, nous avons encore des contes.. d’ailleurs une conteuse vient à l’école une fois par mois. Attends, je vais chercher sur YouTube. » Et Manon découvrit un dessin animé qui parlait de la famille de Boncrat. Elle le prit délicatement dans sa main et le percha sur son épaule pour qu’il puisse regarder lui aussi.
« Voilà, c’est un peu différent de ce qui s’est réellement passé, et cette manière de raconter avec des images qui bougent et qui parlent est assez étrange, mais c’est bien l’histoire de mes grands parents. Alors, que puis-je faire pour toi ?»
A ce moment retentit la voix du père de Manon qui lui demandait de rentrer pour le dîner. Manon demanda la permission au lutin de le mettre dans sa poche le temps du repas. Elle lui donnerait sa réponse ensuite, au calme dans sa chambre. Boncrat accepta, non sans lui dire qu’il ne pourrait rester qu’une nuit car il avait une mission importante à remplir. « Et garde moi une petite partie de ton repas s’il te plait, jeune dame, je meurs de faim. »
Après le dîner, Manon posa le lutin sur sa table de nuit, lui donna le bout de quiche qu’elle avait gardé pour lui et lui demanda « Est ce que tu peux faire que mes parents acceptent d’avoir un chien ? »
« Ah ça c’est difficile. Je ne peux pas changer l’esprit des hommes. Mais laisse moi réfléchir. Je vais y penser cette nuit pendant que je cherche le trou temporel dans ton jardin pour rentrer chez moi. »
« Je te remercie jeune dame pour ton accueil et ce délicieux repas. Je te souhaite de beaux rêves… » et en sautillant il s’approcha du bord de la table de nuit d’où il exécuta une élégante cabriole qui le fit s’envoler jusqu’au rebord de la fenêtre. Il se retourna, adressa une révérence à Manon et disparut.
Manon eut du mal à s’endormir ce soir là, elle fit de nombreux rêves peuplés de lutins, de chenilles, de papillons. Lorsqu’elle se réveilla le lendemain matin, elle entendit des bruits étranges dans la cuisine. Elle enfila son manteau et ses chaussons et descendit en toute hâte. Toute la famille était là, accroupie près de la table. Manon s’approcha et découvrit la plus adorable boule de poils que l’on pouvait imaginer.
« Lorsque je me suis levée il était devant la porte fenêtre, il avait visiblement froid et faim » lui dit sa mère en caressant le chiot. « Il a du être abandonné, il n’a pas de collier ni de tatouage. »
Le chiot levait des yeux d’amour sur Manon, qui le prit dans ses bras. « Est ce qu’on peut le garder ? » Alors que sa mère et son père se regardaient, Manon sentit comme de la chaleur dans sa poche droite. Elle en sortit la bague qui luisait comme les yeux d’un chat.
La semaine suivante, lorsque la conteuse eut fini son histoire, alors que les enfants se levaient pour partir en récréation, elle appela la petite fille.
« Manon, n’aurais tu pas quelque chose pour moi ? Une bague qui appartient à une de mes amies, peut-être ? »